• Budget 2010 : Pécresse sur un nuage

    La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse a présenté ce matin son budget 2010. Elle y voit une nouvelle confirmation que «le président Nicolas Sarkozy tient ses engagements» puisque «l'effort supplémentaire pour l'enseignement supérieur et la recherche est de 1,8 milliard d'euros.»

    Fidèle à son habitude, la ministre a transformé la litanie des chiffres en opération de séduction. Une volonté d'autant plus forte qu'elle a souligné à quel point elle considérait que les accusations répétées de «mensonges» à son égard avait créé un déficit de «confiance» dans les relations entre l'Etat - plus exactement le gouvernement - et la communauté universitaire et scientifique.

    D'où une présentation budgétaire assez curieuse où les seuls chiffres donnés - avant demande des journalistes présents - étaient des «augmentations», afin de prouver que le 1,8 milliard y est. Et que les universités croulent sous des budgets en hausse rapide et pour toutes, comme le montre, affirme la ministre, le tableau complet de leurs dotations, mis en ligne par le ministère. L'intégralité du dossier de presse est ici . Le communiqué du ministère ici.

     

    Les internautes peuvent se référer aux documents mis en liens pour une vision globale du budget, voici donc seulement quelques remarques rapides avant une analyse plus soutenue.


    - le budget du MESR est annoncé en hausse à 29,172 milliards contre 27,706 en 2009. Mais, si l'on se concentre sur les crédits budgétaires proprement dits, donc en excluant le crédit d'impot recherche et partenariat public privé alimentés par des ressources extra-budgétaires, on trouve une augmentation limitée à 274 millions d'euros pour la partie recherche et 376 millions pour l'enseignement supérieur. Le reste du 1,8 milliard «de plus» provient des intérêts des 3,7 milliards issus de la vente des actions d'EDF placés, des partenariats public privés et de la non rentrée fiscales du crédit d'impot recherche (3,7 milliards prévus en 2010).

    - En résumé, il y a un réel effort pour la recherche publique et l'enseignement supérieur dont l'essentiel est consacré au rattrapage du retard en immobilier universitaire et à la mise en sécurité des bâtiment existant. Est-il suffisant au regard des besoins du pays... c'est une autre question. Notons tout de même que la stagnation des effectifs des universitaires et des chercheurs, présentée comme une grande victoire en raison du dogme de la diminution de l'emploi public, signifie un certain renoncement.

    - A côté, il y a un soutien considérable à la recherche privée, via le CIR, dont tout laisse penser qu'il va continuer à bénéficier en majorité aux grands groupes, qu'il restera non sélectif (le marché a toujours raison) et douteux quant à son effet réel sur l'effort de recherche (le président Nicolas Sarkozy l'a souligné, Bercy ne va pas emmerder les entreprises avec des contrôles fiscaux sur ce point).

    - Il n'y aura pas de création d'emplois de chercheurs et d'enseignants chercheurs en 2010. Les seules créations seront sur des CDD, type ANR. Autrement dit, le potentiel humain de la recherche publique n'évoluera pas, or chacun sait que c'est d'abord là que se joue la capacité d'un pays à booster sa recherche.

    - La politique de ressources humaines - autrement dit l'attractivité des carrrières scientifiques - sera fondée sur une distribution de primes. Cette distribution sera ciblée - la ministre parle de 20% des effectifs - et fortement rémunératrice pour les récipiendiaires. Ainsi, a t-elle souligné, la direction de l'université Pierre et Marie Curie aura 700 000 euros de primes à distribuer aux "plus méritants". Les plafonds des primes montent à 15 000 voire 25 000 euros. Cette politique subit des critiques récurrentes et vives.
    Deux mesures générales sont à noter. D'abord l'augmentation du nombre de promotions possibles en classe exceptionnelle et 1ère classe pour les Professeurs et en hors classe pour les maitres de conférence (1160 pour ces derniers contre 988 en 2009). Puis l'alignement des salaires d'embauche des maitres de conférence sur les chargés de recherche par la prise en compte des années de thèse et de post-doc dans leur ancienneté... mais cette mesure présentée comme nouvelle a été prise cette année. La ministre n'a rien dit sur le problème qui en découle : quid des jeunes maitres de conférences recrutés les deux, trois, ou quatre années avant qui se retrouvent moins bien payés que les nouveaux entrants et le vivent assez mal...

    - Les contestataires de la politique gouvernemantale ont en partie obtenu gain de cause sur l'Agence nationale de la recherche. Ainsi, d'abord, son budget est stabilisé et n'augmente pas, à 868 millions. Ensuite, son programme blanc, non thématisé, passe à 50% de son budget, contre 35% en 2009... Enfin le "préciput", la part de la dotation qui revient à l'université ou à l'organisme (Cnrs par exemple) du laboratoire passe de 15 à 20%.

    Par ailleurs, le secrétaire national du Parti Socialiste à l'enseignement supérieur et à la recherche, Bertrand Monthubert, a tenu une conférence de presse cet après-midi (à laquelle je n'ai pu assister). Voici le document qu'il a remis aux journalistes. Il y dénonce le budget de Valérie Pécresse, et fait des propositions alternatives, fondées sur la réorientation de 750 millions de dépenses et 1,8 milliard de dépenses budgétaires nouvelles finançable «en supprimant le bouclier fiscal», assure t-il.

    Source : http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/10/budget-2010-p%C3%A9cresse-sur-un-nuage.html


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