• Malaise à l'université : "Au pire je ne suis pas payé"

    "J'accumule post-doc sur post-doc afin de vivre", par N. P.

    Doctorat scientifique en biologie moléculaire dans une université américaine de l'Ohio, je ne trouve strictement rien de durable et j'accumule post-doc sur post-doc afin de vivre. En ce moment à l'hôpital Pompidou pour trois mois, je ne vois pas la fin de ma pathétique précarité. Qui est responsable ? Mariée et mère de deux enfants, je ne peux partir à l'étranger pour améliorer ma carrière.

    Que puis je faire ? Rien, si ce n'est attendre. Je persiste dans un domaine qui est des plus intéressants, à savoir la recherche sur le cancer. Heureusement l'amour pour mon métier me permet de m'acrocher jusqu'à de meilleurs jours. Salaire ? 2000 € brut quand la bonne étoile me sourit, sinon, c'est moins, nettement moins.

    • "Au mieux je suis payé tous les six mois, au pire je ne suis pas payé", par Olivier

    Depuis 8 ans, on me fait confiance, on me confie désormais moins de TD (travaux dirigés), plus de cours magistraux, mais mon statut ultra précaire ne changera jamais. D'un semestre sur l'autre, on peut tout me retirer de manière totalement arbitraire mais légale.

    Au mieux je suis payé tous les 6 mois, au pire je ne suis pas payé, mais on sait que j'ai une conscience professionnelle et que j'assumerai tous mes cours, que je corrigerai les copies d'examens terminaux alors qu'administrativement je n'y suis pas autorisé et que je surveillerai les épreuves et ferai passer les oraux, tout cela bénévolement.

    Je ne signe pas de contrat de travail, on m'oblige à avoir un travail à côté, quelqu'il soit, parfois je triche pour continuer à enseigner car j'aime cela et on me fait des attestations de complaisance. J'entame ma 9e année, des titulaires qui me pensaient statutaires m'appellent le "vacataire honoraire" ou "émérite" ! Dès qu'une occasion de stabilité se présente à l'extérieur je la saisirai, à contre-coeur car j'aime cela.

    • "Je m'éloigne donc progressivement de l'université", par Charles V.

    "Jeune" enseignant-chercheur depuis 2003 dans une faculté de droit parisienne, je peux témoigner de cette galère à l'université. J'ai pour ma part eu finalement de la "chance", puisque j'ai toujours enseigné dans le cadre juridique d'un statut, certes précaire (contrat d'un an) et peu rémunéré (1 200 à 1 500 euros par mois). Si la situation des statutaires précaires est meilleure sur ce plan que celle des vacataires, elle ne l'est en revanche pas en ce qui concerne les conditions de travail, notamment la considération de nos pairs, spécialement difficile à vivre.

    Pour ma part, j'ai la chance d'être avocat par ailleurs, et je m'éloigne donc progressivement de l'université pour m'investir dans mon activité libérale bien plus satisfaisante humainement et socialement. Mon éloignement est délibéré depuis les grèves de l'an passé et le mépris de notre ministre. Période à laquelle j'ai d'ailleurs ouvert mon propre cabinet.

    Cela étant, je n'ai pas renoncé à obtenir un poste de maître de conférence ou de professeur, ce qui dépendra du succès de mes travaux universitaires. Mais tout de même quelle galère !

    • "La recherche, c'est la liberté", par Laurent-Victor S.

    Je fais ce métier parce que j'aime enseigner et chercher. C'est un métier en soi. On travaille énormément, contrairement à l'image qui nous est réservée (entre cours et recherche, au mininum 50-60 heures par semaine, week-end souvent compris, une-deux semaines de vacances, les éditeurs n'attendant pas).

    Soutier un temps, j'ai travaillé dans le privé. J'ai aimé, cela m'a permis de continuer à enseigner (car il faut travailler pour enseigner si on a plus de 28 ans). Mais, l'enseignement, ce sont les étudiants ; la recherche, c'est la liberté.

    Alors m'entendre dire que je suis un glandu, un étudiant attardé, non. J'ai formé des étudiants, je les ai orientés. J'ai assumé ma fonction. La plupart m'en savent gré, pas tous, heureusement. Mais de grâce, respectez nous, nous nous sacrifions pour des misères en escomptant un avenir incertain. Nous le faisons en connaissance de cause, non pas par goût de la sécurité de la fonction publique, à laquelle nous n'accédons pas forcément, mais parce qu'on aime le public étudiant, parce qu'on aime la recherche, dont la vocation est bien d'être, un jour, appliquée, nous en avons conscience, je vous rassure.

    • "L'attribution des postes se fait en réseau, par cooptation", par Cobol 91

    Docteur en science politique (bac +8), j'ai renoncé à l'enseignement et à la recherche à cause du caciquisme de l'université dont l'Etat s'accommode apparemment très bien. L'attribution des postes se fait en réseau, par cooptation.

    Actuellement au RSA, je vis avec 500 euros. Mes contrats de vacation sont volontairement tronçonnés par le rectorat pour éviter de me payer des congés et des allocations chômage (selon le propre aveu de l'administration !). Parce que des postes à 1 500 euros, c'est encore le sort le plus enviable.

    J'en connais plein qui émargent pour 400 euros par mois, parfois pour encore moins (voir travaillent au noir), à faire le larbin des professeurs (correction des copies, correction des articles et ouvrages des professeurs, cours que ces derniers ne veulent pas faire...). J'en connais même qui vont aller chercher leur colis alimentaire aux Restos du cœur, pendant que leurs enseignants vont se goberger dans les réceptions somptueuses (champagne et petits fours) payées sur le budget de la recherche (sans parler des voyages pour colloques bidons). Et Valérie Pécresse qui lâche encore de l'argent pour les universités pour alimenter ce système aberrant (et avoir la paix dans les campus) qui fabrique plus de chômage et de précarité ? Et cela sans aucune contrepartie ! C'est scandaleux.

    Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/06/malaise-a-l-universite-au-pire-je-ne-suis-pas-paye_1249880_3224.html


    Tags Tags : , , , ,