• Sarkozy et les universités: bobards, mention très bien

    DESINTOX

    Selon le Président, les Universités françaises ont progressé pour la première fois depuis 25 ans au classement de Shanghaï, du fait de la réforme de l'autonomie. Gros culot et triple intox.


    «Pour la réforme de l’autonomie des universités, nous n’avons pas reculé d’un demi-centimètre. Et pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dans le classement de Shanghai, les universités françaises remontent.»

    Nicolas Sarkozy le 28 novembre à Aubervilliers

     

    INTOX

    Pour l’entrée dans la grande ligne droite des élections régionales, Sarkozy s’est livré à un grand show, samedi 28 novembre, à Aubervilliers, lors du conseil national de l’UMP. Offensif avec l’opposition, le Président a surtout vanté dans les grandes largeurs son bilan et ses réussites. Ainsi, à propos de la réforme des universités, le Président s’est emballé : «Pour l’autonomie des universités, qui nous a valu neuf mois d’occupation l’année dernière, nous n’avons pas reculé d’un demi-centimètre. Et pour la première fois depuis vingt-cinq ans, dans le classement des universités de Shanghai, les universités françaises remontent. C’était possible, nous l’avons fait.» Des propos réitérés trois jours plus tard lors du discours sur la relance, à la Seyne-sur-mer.

    DESINTOX

    Ainsi, les universités françaises remonteraient pour la première fois depuis vingt-cinq ans au classement de Shanghai par la grâce de la réforme de l’autonomie ? Voilà un bobard mention très bien pour le Président, qui décoche trois bêtises en une seule phrase. La première, c’est que la remontée des universités françaises au classement de Shanghai ne peut pas être la première depuis vingt-cinq ans, étant donné que ledit classement n’a que sept ans d’existence. Ce classement - devenu incontournable mais qui demeure très contesté du fait de ses biais méthodologiques- a en effet été créé en 2003, afin de comparer les universités chinoises aux meilleures mondiales. Il prétend juger les universités en s’appuyant sur six critères (dont le nombre de récompenses attribuées aux chercheurs - prix Nobel ou médailles Fields -, nombre de publications dans les revues de référence, volume des citations, etc). La deuxième contre-vérité de Sarkozy, c’est qu’en 2009, les universités françaises n’ont pas enregistré, par rapport aux années précédentes, de mouvement spectaculaire justifiant cet opportun enthousiasme présidentiel. Depuis 2004, la France demeure stable, à la sixième place du classement, avec 23 universités dans le top 500 (contre 22 en 2004). Comme l’an passé, la France compte trois universités dans le top 100 (mais elle en comptait quatre jusqu’à 2007). La première université hexagonale au classement, Paris-VI (université Pierre-et-Marie-Curie), accroche la 40e place (elle était 42e en 2008 et 39e en 2007). Paris-Sud-XI passe de la 49e à la 43e place. Enfin, l’Ecole normale supérieure poursuit sa progression en passant de la 73e à la 70e place (après avoir été 83e en 2007). «Si l’on met de côté l’année 2004, où le classement avait été chamboulé en raison de modifications dans les critères, la situation est assez stable», reconnaît Gilbert Bereziat, vice-président aux relations internationales de Paris-VI. Mais la dernière - et majeure - ânerie de Sarkozy consiste à laisser croire que la réforme de l’autonomie aurait pu avoir un impact sur l’évolution du classement 2009. Il n’en est rien. «Il n’y a aucune relation de cause à effet entre la réforme de l’autonomie et le classement de Shanghai », assure sans détour Guy Couarraze, président de Paris-Sud-XI. C’est assez simple à prouver pour son université : elle n’est pas encore passée à l’autonomie (ce sera le cas au 1er janvier 2010). Et Guy Couarraze de continuer : «Mais même si on prend l’exemple de Paris-VI, qui est passé à l’autonomie en janvier dernier, la réforme n’a eu aucun effet. Ne serait-ce que parce qu’il y a une grande inertie dans la manière dont le classement de Shanghai est réalisé.» De fait, le classement se fait en grande partie en fonction des publications des chercheurs. Or, la publication d'un article est un processus long, qui peut prendre plusieurs années. A Paris-VI, Gilbert Bereziat, en convient : «Ces deux questions n’ont rien à voir. Au-delà, la réforme est bien trop récente pour qu’on dise que les universités françaises sont vraiment autonomes, et qu’on prétende en faire un bilan. Là, Nicolas Sarkozy pousse le bouchon un peu loin.» Mais c’est bien connu, le Président est un homme pressé. Y compris quand il s’agit de se tresser des lauriers.

    Source : http://www.liberation.fr/societe/0101606346-sarkozy-bobards-mention-tres-bien


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