• Bordeaux: Après le blocage, l'impasse

    Elle s'en amuse. "Ici, c'est Berlin-Est. Et là-bas, de l'autre côté du tramway, notre rideau de fer à nous, on voit l'Occident..." "Là-bas", c'est l'université Bordeaux-IV, où l'on étudie le droit et l'économie, où l'on va passer ses examens, comme d'habitude. Si loin et si proche d'"ici", Bordeaux-III la rebelle, où Julie Perez, mène avec d'autres la révolte des étudiants. Un campus propret, sous le soleil. Quatorze mille étudiants en sciences humaines ont voté lundi 11 mai la levée de l'"occupation active" des locaux, la reprise d'"activités pédagogiques", et même la tenue éventuelle d'examens, à condition que le gouvernement revienne sur la loi LRU.

    Elle y croit. Dans le couloir qui mène à la salle où se réunit le "comité de mobilisation" des étudiants, on a placardé une phrase d'Apollinaire : "Il est grand temps de rallumer les étoiles". Julie Perez est en première année d'histoire, elle milite au NPA d'Olivier Besancenot, avec quatre ou cinq amis, et ne s'en cache pas. "Heureusement qu'ils sont là pour imprimer nos tracts !", dit-elle. Elle se veut rassurante : "On aime bien se faire plaisir avec le mot lutte, mais on n'est pas des gauchos rouges avec le couteau entre les dents. Cette fac, on veut qu'elle reste vivante. On refuse une élitisation du système, la mise en péril de nos diplômes. Je suis fille de petits employés, boursière, où vont aller les gens comme moi à l'avenir ? Il faut penser aux générations futures." Alors, elle est de tous les combats, elle virevolte, elle imagine un logo pour le comité, souhaite conserver un "rapport de forces" avec les institutions. Elle s'exprime déjà comme une vieille routière des conflits sociaux, sincère, éloquente. A ses côtés, Florian Seguin, sympathisant écologiste, en troisième année d'espagnol après cinq ans passés à la fac. "Qu'est-ce qu'une année de perdue, quand tu peux sauver la fac ? Moi, je maîtrise mon destin", assume-t-il.

    Deux motions étaient mises aux voix, ce lundi. Celle qui l'a emporté, avec plus de 57 % des suffrages, permet de desserrer l'étau, après dix semaines de conflit. C'est le fruit d'un compromis, de vingt heures de discussions avec Patrice Brun, le nouveau président de l'université, élu en mars. Opposé à la loi LRU, M. Brun, 55 ans, en bon professeur d'histoire grecque, cite pendant les AG Démosthène, le grand orateur qui n'eut de cesse de critiquer l'inaction de ses concitoyens. "C'est mon premier succès, dit-il, les étudiants sont revenus, le mouvement a échappé à ceux qui étaient politisés. Et puis il n'y a pas de ressenti individuel." Il s'est fait traiter de "traître", de "sarkozyste de choc", voire de "crypto-gaulliste", lui le "socialisant" à 5 250 euros mensuels, prime de président comprise, mais, mardi 12 mai, de la fenêtre de son bureau, il voit le parvis noir d'étudiants. Il est content. Et triste.

    "C'est une population défavorisée, explique-t-il, il y a une telle désespérance chez eux, souvent, cette fac n'est pas leur premier choix. Et le seul message de soutien que j'ai eu, au ministère, c'est : "Avez-vous besoin de gardes mobiles ?" C'est ça le pire, voir qu'on ne compte pour rien." Quand le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, a parlé de "doctorats en blocage", il a tempêté : "Qu'il est con..." Son vrai défi, ce sera la réussite des examens. Il ne le clame pas, mais compte bien les faire passer en juin. "Sinon, j'en tirerai toutes les conséquences...", lâche-t-il.

     

    Pour lire la suite de l'article: http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/14/apres-le-blocage-l-impasse_1192948_3224.html


    Tags Tags : , , , ,