• « Je veux savoir qui m’a tiré dessus »

    Répression . Victime d’un tir de Flash-Ball à la fin de la manifestation du 19 mars, à Toulouse, Joan Celsis, étudiant, a perdu l’usage de son oeil droit. Il a porté plainte.

    Toulouse, correspondance particulière.

    L’oeil droit encore tuméfié, à moitié fermé. Plus d’un mois après, Joan Celsis n’a pas retrouvé l’usage de cet oeil : « La rétine est bousillée, déchirée au centre. Devant moi, je ne vois pas. Sur le côté, je perçois seulement les couleurs, quelques formes. » Une opération a permis de recoller ce qui reste de rétine. Le 30 avril, une deuxième opération va reconstituer les os brisés : « Le plancher orbital est cassé, la pommette enfoncée, l’arcade sourcilière aussi, les sinus brisés », énumère-t-il. Malgré tout, l’étudiant en sociologie conserve le sourire : « Cela aurait pu tomber sur quelqu’un d’autre, c’est tombé sur moi. »

    « c’est la Bac »

    Le 19 mars, 80 000 personnes manifestent dans les rues de Toulouse. Place Esquirol, les étudiants se séparent du cortège et bifurquent à gauche par la rue Alsace-Lorraine. « Je les ai suivis sans savoir ce qui allait se passer », raconte Joan, vingt-cinq ans. Certains pénètrent dans le Monoprix, d’autres bloquent les accès au magasin. « J’ai appris plus tard, poursuit-il, que les étudiants avaient négocié avec la direction de Monoprix la possibilité d’emporter des marchandises pour les redistribuer à des personnes en difficulté. Mais je n’ai pas participé, je suis resté dehors. »

    Dans ses souvenirs, les policiers de la BAC arrivent très vite devant le Monoprix, les CRS un peu plus tard. Au début, tout le monde garde son calme. Puis ont eu lieu les premières charges policières, les interpellations. « Les CRS nous ont dit de partir, ce que nous avons fait. Nous marchions en reculant, lentement, bras dessus bras dessous. J’étais au premier rang, à une quinzaine de mètres des policiers, et soudain il y a eu des tirs. » (1) Joan s’effondre, ensanglanté. Ses camarades doivent l’évacuer. Il en a la certitude : « Les tirs ne sont pas venus des CRS mais des policiers de la BAC. Quatre d’entre eux avaient un Flash-Ball. »

    Appel à témoins

    Depuis ce 19 mars, les témoignages de soutien à Joan Celsis se multiplient : de la part de son syndicat, l’AGET-FSE, mais aussi d’étudiants de toute la France. Privé de son oeil droit, Joan semble à la fois calme et déterminé. Il a déposé plainte contre X pour « violence par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage d’une arme ». Son but ? « Je veux être confronté à la personne qui m’a tiré dessus, comprendre pourquoi ces tirs ont eu lieu. Je ne veux pas que ça se reproduise. »

    Est-ce bien un Flash-Ball, ce dont doute le syndicat UNSA Police, qui a percuté l’oeil droit de Joan ? « Les certificats médicaux des urgences de l’hôpital Purpan et du service d’ophtalmologie indiquent que ma blessure est compatible avec un Flash-Ball, répond le jeune homme. Mon groupe était visé, si je ne l’étais pas personnellement. » À la suite du dépôt de plainte, le procureur a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire. Joan, assisté de deux avocats, a été entendu par le juge d’instruction Philippe Guichard, qui va lancer un appel à témoins. L’étudiant reste optimiste : « Je pense que l’enquête sera menée dans de bonnes conditions. »

    (1) La vidéo Répression à Toulouse le 19 mars, sur le site Dailymotion, permet d’entendre cinq détonations.

    Source: http://www.humanite.fr/2009-04-27_Societe_-Je-veux-savoir-qui-m-a-tire-dessus

    Bruno Vincens


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