• L’horreur universitaire selon Catherine Rollot, journaliste au Monde

    Si vous avez aimé les articles de Catherine Rollot, journaliste au Monde, sur le mouvement des universitaires au printemps 2009, vous allez adorer son retour à la plume en cette rentrée. Elle vient en effet de remettre l’ouvrage sur le métier en publiant dans son journal une « enquête » (sic) intitulée « les soutiers de l’université » (mardi 6 octobre 2009, p. 17). Le sujet ? Les « précaires » de l’enseignement supérieur, ces vacataires, attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER), CDD et autres « non titulaires » qui peuplent les universités françaises. Le sujet est d’importance et la situation de nombre de ces « précaires » particulièrement difficile

    C’est évidemment l’angle choisi par Catherine Rollot pour en traiter qui est intéressant. On passera, par lassitude, sur la méthode qui semble désormais faire florès dans la presse contemporaine et qui consiste, en guise d’enquête, à enchaîner quelques témoignages sans plus de mise en perspective que de vision d’ensemble du sujet. Notre vaillante enquêtrice relève donc les difficultés des précaires au fur et à mesure de ses « rencontres » : incertitude de leur devenir, salaire de misère après des années d’études et souvent un doctorat, mauvais traitement de la part de l’université… Mais elle suggère aussi quelques explications, et là, on retrouve bel et bien la Catherine Rollot qui défendait avec vigueur la politique du gouvernement et la loi LRU de Valérie Pécresse au printemps. Et comme à l’époque, Catherine Rollot prend bien soin de garder pour elle les éléments qui contrarient sa thèse : les « précaires » doivent leur difficile condition aux titulaires – nouvelle version de la lutte des classes donc.

    Qu’on en juge plutôt : les précaires assurent « les cours que les titulaires ne veulent pas faire », leur « dépendance (…) aux titulaires engendre une multitude d’abus. Mais l’omerta est totale », « ces petites mains de l’université (…) cohabitent dans l’ombre des maîtres de conférences et des professeurs d’université titulaires », « les syndicats traditionnels s’en sont longtemps désintéressés »… Heureusement, une lueur d’espoir semble poindre puisque « la loi sur l’autonomie des universités, votée en 2007, devrait permettre enfin de les comptabiliser ». Ils sont sauvés.

    Bref, s’il y a des « précaires » à l’université, c’est qu’il y a des titulaires – ceux-ci étant, mais cela va sans dire pour Catherine Rollot, non seulement des fonctionnaires à statut corporatistes et exploiteurs mais encore des empêcheurs d’autonomiser en rond.

    Cette éminente journaliste oublie, comme à son habitude donc, quelques éléments d’importance. D’abord que les universitaires, toutes catégories confondues, n’ont pas attendu son « enquête » pour prendre la mesure d’une situation indigne et tenter, avec les faibles moyens dont ils disposent d’améliorer autant que faire se peut la situation de leurs doctorants, ATER et autres vacataires – et non de les exploiter… Ensuite que si exploitation il y a, elle est le fait de l’université comme administration et comme « gestionnaire des ressources humaines » comme on le dit désormais, et que cela ne va pas s’améliorer avec l’autonomie, au contraire. Enfin, et plus simplement encore, que s’il y a tant de « précaires » à l’université, c’est bien qu’il y a du travail à y faire (ah, tiens !?) et que les titulaires en poste ne suffisent pas, et de loin. Le sous-financement chronique des universités françaises depuis des années (par rapport aux grandes écoles, aux lycées, aux organismes de recherche…) a conduit à une situation intenable dans laquelle, en effet, nombre de tâches d’enseignement mais pas seulement sont accomplies par des non-titulaires.

    On voudrait croire que l’absence de ces éléments dans « l’enquête » de la journaliste du Monde témoigne d’une certaine légèreté mais alors on peut se demander si c’est bien d’un journal de référence dont on parle. On sera malheureusement enclin, compte tenu des articles passés de Catherine Rollot, à y voir un choix politique. Mais alors pourquoi Catherine Rollot ne publie-t-elle pas un éditorial plutôt qu’une « enquête » ? Elle rejoindrait ainsi, en toute transparence, ses nombreux confrères (Christophe Barbier, Franz-Olivier Giesbert, Sylvie Pierre-Brossolette…) qui dénoncent les universitaires comme des fainéants, des incapables et des profiteurs du système qui n’ont rien compris à la réforme que leur impose le gouvernement.

    Source : http://blog.educpros.fr/blog/2009/10/06/l%E2%80%99horreur-universitaire-selon-catherine-rollot-journaliste-au-monde/


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