• L’université malade du modèle néolibéral

    par Robert Charvin, professeur émérite de l’université de Nice, doyen honoraire de la faculté de droit.

    Chaque génération d’étudiants connaît sa crise. Elle la croit inédite. Il en est de même pour les enseignants les plus jeunes. En réalité, depuis des décennies, l’université connaît à la fois une paupérisation désastreuse et une massification exigeant au contraire des moyens matériels et surtout humains supplémentaires. De surcroît, le monde des affaires et ses VRP politiques exigent aujourd’hui, après une série de contre-réformes plus modestes, un alignement rapide, pur et simple sur les besoins à court terme d’une économie elle-même malade, tout en réduisant le coût des dépenses publiques. La « professionnalisation » et l’« alternance », présentées comme des panacées, ne sont en fait qu’une éducation marchande mettant progressivement à l’écart des disciplines culturelles, visant à produire de la « ressource humaine » employable le plus rapidement possible et à bas prix. Cette entreprise rencontre des complices chez les enseignants et les étudiants qui croient « bien faire » en oubliant que le chômage est structurel dans le cadre du capitalisme financier. Les sciences humaines et sociales, qui ont une moindre utilité marchande et qui produisent des citoyens critiques, sont évidemment sacrifiées, à l’exception de la formation d’une super-élite idéologiquement soumise à la logique du système et formatée dans quelques « pôles d’excellence » afin qu’elle admette avec indulgence non seulement le marché roi mais aussi ses perversions naturelles (la corruption, la liquidation des services publics, les licenciements boursiers, les délocalisations, les concentrations, etc.) Dans le même esprit, il n’est de recherche rentable à court terme qu’« appliquée », selon une logique absurde bien digne de l’économie capitaliste : aux chercheurs de contracter avec les firmes ayant besoin d’innovations.

    Dans ce climat destructeur de l’intelligence, développé avec persévérance par la plupart des ministres successifs, les mêmes comportements se reproduisent. Quelques professeurs (de moins en moins nombreux cependant), carriéristes et opportunistes, à la recherche de « médailles en chocolat », se font les champions des contre-réformes massives en cours, sous couvert d’une approbation de leur « modernité » et de leur « nécessité » (le soutien à une pseudo-autonomie est significatif) ; ce petit contingent s’appuie sur ceux qui, traditionnellement, ne supportent ni revendication ni contestation, le désordre établi suffisant à leur conservatisme. Quelques étudiants, les plus liés aux milieux dominants (comme l’UNI financée dès l’origine par le MEDEF), sous des étiquettes variées « apolitiques » ou ouvertement de droite, s’agitent en mettant en avant (c’est une vieille pratique) « la question des examens », faisant preuve, entre deux sorties en boîte organisées par leurs soins, de la démagogie la plus basse vis-à-vis des étudiants les moins informés. Ces petits jeunes gens ne perdent pas leur temps : ils préparent, à cette occasion, leur avenir en nouant des relations étroites avec « l’élite » locale ou nationale en faisant la démonstration de leur « engagement ».

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