• Le Monde et les universitaires: débat Luc Cédelle - Jérôme Valluy

                                                                                                                                           Educpros, 17 avril 2009 -

    La campagne menée par certains universitaires contre le journal Le Monde a pris un tournant radical, avec l’appel au boycott total du quotidien du soir le 3 avril 2009 par Jérôme Valluy, enseignant-chercheur à Paris 1. Il dénonce la manière dont le quotidien a relaté dans ses colonnes la mobilisation dans les universités. Depuis, le débat se poursuit sur le Net, avec des centaines de commentaires. Educpros revient sur cette polémique (avec des liens vers les tribunes, réponses et forums) et donne la parole aux deux parties : Le Monde, par la voix d’un des ses journalistes « éducation », Luc Cédelle, qui s’exprime ici en son nom, et l’auteur de la Charte appelant au boycott, Jérôme Valluy, enseignant-chercheur en sociologie politique de l’action publique à l’université Panthéon-Sorbonne. Nous leur avons soumis les mêmes questions, séparément. Il ne s’agit donc pas d’un débat au sens propre, mais de deux plaidoyers.

    1. Les reproches adressés au Monde

    Jérôme Valluy : Je reproche tout d’abord au Monde une très faible couverture du mouvement des enseignants-chercheurs, depuis le début. A tel point qu’elle nous parait occulter l’ampleur sans précédent et l’unanimisme - de la droite à la gauche - de cette mobilisation inédite.

    Nous reprochons surtout au journal d’avoir réduit nos arguments à une simple grogne, une fronde. Il réduit sans arrêt nos positions à du ridicule. Il fait des enseignants-chercheurs un acteur irrationnel, en nous parlant seulement de buzz, de rumeurs, d’inquiétudes, de stress… Alors qu’il relatait les mesures du gouvernement de manière tout à fait rationnelle.

    Ce n’est pas juste un problème de mots mal choisis, nous avons vraiment été décrits comme un peuple de demeurés, alors que nous avons produit, tout au long du mouvement, des argumentations très détaillées. Le Monde a fait l’économie d’une investigation dans le milieu des enseignants-chercheurs. Nous sentons une réelle baisse de la compétence journalistique.

    Il y a une méconnaissance totale du milieu universitaire. C’est une véritable interrogation de savoir comment nous sommes arrivés à un tel découplage. La petite phrase de Laurent Greilsamer [directeur adjoint du journal] l’illustre parfaitement lorsqu’il affirme qu’en tout cas, les enseignants-chercheurs « sont des gens qui ont visiblement beaucoup de temps », pour critiquer le Monde en l’occurrence. Cette phrase méprisante est insupportable, surtout pour la jeune génération, les quadragénaires, qui ont été recrutés à bac + 15 dans des conditions difficiles. Je n’ai pas de chef et pourtant, je travaille 60 heures par semaine !

                                                                                                                                                                               Luc Cédelle : Les reproches sont arrivés très vite et sous une forme quasi-irrecevable. Au lieu de constater des désaccords, c’était tout de suite « vous faites de la désinformation », vous êtes « indignes de votre profession ». Conclusion : « je n’achèterai plus jamais le Monde ». Cette virulence ne met pas d’emblée dans de bonnes conditions pour discuter.

    C’est d’ailleurs une violence un peu mystérieuse pour nous. Si les arguments de fond sont : « le Monde est au service du gouvernement et acharné à décrédibiliser le mouvement universitaire », je ne peux pas le comprendre. Nous décrire comme des militants de la marchandisation du savoir, ce n’est pas possible.

    Ce que je peux comprendre par contre, et qui pourrait être une explication de ce type de violence, c’est qu’il existe quelque chose de sacré et de non négociable qui a été atteint. Et là où je ne suis pas nos détracteurs, c’est que je ne crois pas que le Monde en soit seul responsable. Nous sommes en quelque sorte le vecteur d’une souffrance dont nous ne sommes pas la cause. Mais que nous avons peut-être aggravée, sans le vouloir.

                                                                                                                                                                            Pour lire la suite du débat: http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?breve181

     


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