• Universités: le conflit reste entier

    Dans les universités françaises la contestation ne s'éteint pas et pourrait rebondir sous d'autres formes à l'automne.

    Après quatre mois d’une mobilisation sans précédent dans les universités françaises, beaucoup d’établissements mettent fin au blocage ou à la grève des enseignements afin de permettre aux étudiants de valider leur année universitaire. Pour autant, cela ne signifie pas la fin du mouvement, proclament les intéressés, loin de là.

    «Cette contestation, il n’est pas question aujourd’hui d’y renoncer. Elle doit prendre désormais d’autres formes», écrit ainsi la présidence de Paris-IV (La Sorbonne) dans son communiqué daté du 20 mai. «L’heure n’est pas à la résignation mais, plus que jamais, à la vigilance et à l’action critique» poursuit le texte.

    Même tonalité du côté du collectif Sauvons l’Université (SLU), cheville ouvrière de l’appel à la grève fin janvier à l’initiative des enseignants-chercheurs –du jamais vu à l’université depuis au moins 30 ans. «Nous avions des revendications globales et souhaitions une négociation globale, avec en préalable que le gouvernement renonce à passer en force ses réformes, rappelle Jean-Louis Fournel, professeur à Paris VIII et porte-parole de SLU. «Cette négociation n’a jamais eu lieu, le gouvernement a choisi la stratégie du pourrissement, c’est scandaleux», poursuit ce spécialiste de la civilisation italienne.

    Sur deux gros dossiers, le statut des enseignants-chercheurs et la réforme de la formation des professeurs des écoles, les contestataires n’ont rien obtenu de significatif.

    Les enseignants-chercheurs se battaient contre la modulation des heures d’enseignement rendue possible par le nouveau décret gouvernemental, décret d’application de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités). Au lieu d’avoir un nombre d’heures d’enseignement fixe (en plus des tâches administratives et des travaux de recherches), le décret prévoyait une modulation à la hausse ou la baisse en fonction de l’évaluation des individus.

    La réécriture du décret, qui prévoit que cette modulation ne se fera qu’après acceptation de l’intéressé, ne règle rien, selon Jean-Louis Fournel. «Certaines personnes seront obligées d’accepter, explique-t-il. Moi si on me demande d’augmenter mes heures d’enseignement pour sauver mon département, déjà fragile, je vais accepter, bien sûr ! Avec la paupérisation des universités le nombre d’heures d’enseignement va devenir une variable d’ajustement». «Dans les facultés où il y a peu de moyens cette modulation écrasera tout le monde» relève également Pierre Schapira, professeur de mathématiques à Paris-VI (Université Pierre et Marie Curie).

    Autre pomme de discorde : la réforme de la formation des maîtres -ou ‘mastérisation’-, dénoncée par les syndicats de l’enseignement supérieur, secondaire ou primaire, mais aussi par une association comme Qualité de la science française (QSF). Avec la suppression de l’année de stage et la diminution des matières disciplinaires, cette réforme a mécontenté tout le monde, tenants de la pédagogie comme des contenus disciplinaires.

    L’organisation du nouveau concours a été repoussée d’un an, une ‘commission de concertation’ (dirigée par William Marois et Daniel Filâtre) doit remettre ses propositions le 15 juillet au gouvernement. Pourtant des décrets liés à cette réforme doivent être examinés dès demain par la Commission paritaire technique ministérielle. «Les deux ministres concernés [Valérie Pécresse et Xavier Darcos] n’ont fait que mentir sur ce dossier, affirme le porte-parole de SLU. Ils ont fait semblant de reculer pour mieux faire rentrer par la fenêtre ce qu’ils avaient sortis par la porte». La ‘mastérisation’ n’est pas abandonnée.

    Les acteurs du mouvement estiment que personne ne sort gagnant de ces quatre mois de contestation. «Une fracture durable s’est instaurée entre l’enseignement supérieur et le gouvernement et son président» estime Jean-Louis Fournel. L’application de la loi LRU n’a pas fini de soulever des protestations.

    «Cette loi donne tous les pouvoirs aux présidents des universités», analyse de son côté Pierre Schapira. «Elle leur donne aussi le pouvoir scientifique, c’est une catastrophe». Au-delà, c’est la place de l’université dans l’enseignement supérieur français qui est minée, estime ce mathématicien, membre de QSF, et signataire du manifeste ‘Refonder l’université française’ lancé à la mi-mai par des enseignants-chercheurs.

    «Depuis des années l’université est contournée, explique Pierre Schapira, contournée par les grandes écoles ou les établissements privés. On a donné l’habilitation du master à des grandes écoles et maintenant à des universités catholiques, suite aux accords avec l’Etat du Vatican. Les Universités ont les meilleurs laboratoires, les meilleurs chercheurs, mais les meilleurs étudiants s’en détournent» regrette le mathématicien.

    Une fois passés les examens et les vacances estivales, la prochaine rentrée universitaire ne sera probablement pas calme, même si les enseignants-chercheurs ne souhaitent pas recommencer la grève des enseignements. «Ce n’est pas terminé, affirme Jean-Louis Fournel, nous saurons faire preuve d’inventivité à l’automne».

    via: http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/20090526.OBS8071/universites_le_conflit_reste_entier.html


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