• Les soutiers de l’université” par Catherine Rollot, Le Monde du 6 octobre 2009. Les deux sous-titres de l’article sont misérabilistes et provocateurs à l’égard des enseignants du supérieur. 1. “Vacataires, attachés temporaires, CDD, bouche-trous parfois pour quelques heures par an, ils ont bac+8 et galèrent durant des années en marge de l’enseignement supérieur. Avec l’espoir de plus en plus ténu d’une titularisation” ; “Avant d’être payé, il faut parfois attendre un an”.

    La précarité existe à l’université ; elle a progressé et elle risque de progresser. Il faut la dénoncer : Catherine Rollot a donc raison. Mais, pour mener un combat crédible et efficace, il faut éviter les approximations et quelquefois les contrevérités. Combien de “soutiers” ? Personne ne le sait mais on devrait le savoir car les universités doivent produire désormais un “bilan social”.

    Première confusion introduite par l’article : le mélange de situations enseignantes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Si tout enseignant recruté sur un contrat à durée déterminée est en situation précaire, alors oui, la proportion de précaires est importante dans les universités ; elle l’est cependant moins que dans le privé.

    Démêlons ces situations apparemment toutes précaires. Les professeurs invités (des enseignants-chercheurs étrangers) et les professeurs associés (professionnels qui enseignent à mi-temps dans les formations) ont certes un contrat à durée déterminée. Vivent-ils leur situation comme précaire ? Absolument pas ! Les professeurs étrangers sont titulaires dans leur pays et les professeurs associés ont un autre emploi ; leur contrat d’association est de 3 ans, renouvelable deux fois (… et le compteur peut même être remis à zéro après 9 ans !). Contre-vérité : les professeurs associés sont exceptionnellement titulaires d’un doctorat (bac+8) : ils sont embauchés parce qu’ils ont des compétences validées par leur expérience professionnelle. L’article oublie une 3ème situation non précaire : celle des professionnels des entreprises ou des administrations qui « font des heures » dans l’université : ils ont un autre emploi et ils devraient exiger d’être rémunérés selon la réglementation prévue pour eux (118,98 euros l’heure) (décret du 16 septembre 2004).

    Deuxième situation. Les attachés temporaires et les moniteurs. Leur nombre a effectivement explosé au cours des dernières années et ils contribuent significativement aux charges d’enseignement. Ils ont un contrat à durée déterminée parce qu’il ne peut en être autrement : on n’est pas doctorant tout sa vie ! Les doctorants, allocataires d’une bourse, bénéficient quelquefois d’un monitorat rémunéré durant la préparation de leur thèse ; les attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER) enseignent quand ils sont en fin de thèse ou immédiatement après l’obtention de leur doctorat. Vivent-ils leur situation comme précaire ? Non et oui ! Non, en ce sens que les moniteurs savent que leur bourse de monitorat s’éteint avec la fin de leur allocation de doctorat ; les ATER savent qu’ils ne peuvent l’être plus de 2 ans. Oui, en ce sens que, le délai passé, ils peuvent se retrouver au chômage s’ils n’ont pas été recrutés comme maître de conférences ou chercheur dans un grand organisme de recherche, s’ils n’ont pas obtenu un poste dans le secteur privé, le secteur public ou la fonction publique. Tous les docteurs ne sont pas recrutés par la fonction publique d’éducation et de recherche et Catherine Rollot a raison de souligner que ces moniteurs et ATER peuvent alors entrer dans la précarité.

    Pourquoi ? Dans les dix à quinze dernières années, la situation des doctorants s’est modifiée. Ils ont subi la pression de leur laboratoire de rattachement pour publier le plus vite possible en cours de thèse ; par ailleurs, ils savent qu’ils n’ont aucune chance d’être qualifié par le CNU (conditions pour postuler sur un poste d’enseignant-chercheur) s’ils n’ont pas une expérience significative d’enseignement. Le doctorant contemporain mène sa recherche, publie et enseigne. Tous les doctorants ne sont pas à même de supporter cet alourdissement de leur charge de travail ; il s’ensuit pour certains un allongement de la durée pour obtenir le doctorat. Arrive le jour où ils ont épuisé toutes les sources de revenus liées au doctorat : finis l’allocation de recherche, le monitorat, le poste d’ATER. Les risques de précarité deviennent alors grands. Commence la recherche d’heures complémentaires pour survivre… et c’est là que plusieurs types de « dérives », « de débrouilles » pourtant illégales, peuvent s’introduire.

    Rappelons la réglementation pour les vacataires d’enseignement payés à l’heure (60 euros l’heure pour un cours magistral, 40 euros pour une séance de travaux dirigés) : ils ne peuvent être rémunérés que s’ils ont un employeur principal et que s’ils effectuent pour cet employeur un minimum de 900 heures dans l’année. Cette réglementation a été établie - justement - pour éviter les situations précaires. Les universités demandent un grand nombre de documents pour s’assurer que le vacataire a bien un employeur principal [1]. Des personnes, docteurs ou non, veulent enseigner mais ne remplissent pas cette condition. Première débrouille possible : le prête-nom (celui qui enseigne fait payer quelqu’un, un parent, un ami, qui n’assure pas l’enseignement).

    Autrement dit, la situation décrite par un des interviewés du Monde est impossible légalement, tout au moins théoriquement : enseigner, dans plusieurs universités, 800 heures par an (soit 32.000 euros par an au tarif des TD, somme qui ne caractérise guère une situation précaire) est impossible s’il y a réellement un employeur principal. Mais, dans la pratique, c’est possible car ce vacataire peut être… son propre employeur principal.

    Dommage que cette dérive n’ait pas été signalée par Catherine Rollot car c’est un point-clé. Pour être payé par l’université, il suffit d’avoir un numéro d’URSSAF et donc d’avoir créé son entreprise de formation ou de conseil, de s’être mis en profession libérale… Il n’est pas toujours facile pour les universités de savoir le réel fond des choses : ce professionnel est-il un “vrai professionnel” ou n’est-il qu’un enseignant déguisé en libéral, qui vit principalement ou exclusivement d’heures d’enseignement faites à l’université ou dans d’autres institutions de formation. Seules plusieurs déclarations de revenus successives permettraient d’y voir clair ; mais, heureusement, les administrations universitaires ne sont pas légitimes et habilitées à faire des contrôles fiscaux !

    Les “débrouilles” risquent de s’amplifier avec la crise économique que nous connaissons et pour deux raisons : des professionnels perdent des contrats de conseil et cherchent à tout prix, pour maintenir leurs revenus, à garder ou à amplifier leurs heures de cours à l’université. Par ailleurs, il est devenu plus facile de se mettre à son compte avec le nouveau statut de l’auto entrepreneur (loi du 4 août 2008).

    Autres approximations dans l’article de Catherine Rollot : elles concernent les responsabilités des enseignants titulaires. Ils décident, effectivement, du recrutement des vacataires dans le cadre de procédures plus ou moins formelles, mais validées par leur conseil d’UFR. Mais la journaliste les classe, un peu trop facilement, dans le camp des “méchants exploiteurs“ : “vos heures ne seront pas renouvelées en septembre”… ; “ils nous considèrent comme des bouche-trous, parfois pour quelques heures par an [2]“ ; “les procédures de recrutement sur les postes de titulaires sont pipées”… ;  “la dépendance des doctorants et des enseignants précaires aux titulaires engendre une multitude d’abus”… ; “les emplois du temps sont donnés à la dernière minute et les charges de service varient d’un mois à l’autre”…

    Essayons de démêler les responsabilités des enseignants car il y a effectivement “responsabilités”. Les enseignants-chercheurs, et en particulier les directeurs de thèse, sont des gens normalement responsables : ils “mouillent leur chemise” pour que leurs nouveaux docteurs, avant l’obtention d’un poste stable, aient un revenu décent en fin de mois ; ils cherchent des bourses post-doctorales, les associent à des contrats de recherche, donnent des heures de cours à faire, et pour ce faire, participent quelquefois - certes malheureusement - des débrouilles dénoncées (conseil de recourir à un prête-nom ou de créer une entreprise de conseil).

    Ce faisant, les enseignants en retirent des satisfactions : aider les jeunes et, peut-être, s’en faire à terme des “clients” s’ils sont recrutés sur des postes stables. Mais il est vrai que ces solutions temporaires ne sont pas éternelles et que vient un jour où les enseignants laissent tomber ; cela arrive quand ils se rendent compte que le docteur ne sera jamais recruté sur un poste stable dans une université. Il faut donc qu’ils soient plus courageux : diagnostiquer, dès en cours de thèse, si le doctorant a une chance raisonnable d’obtenir un poste stable ; si ce n’est pas le cas, il faut très vite le réorienter ailleurs ; il ne faut pas lui donner, un ou deux ans après l’obtention de la thèse, d’heures complémentaires à effectuer !

    Il est une autre responsabilité importante des enseignants non mentionnée par l’article de Catherine Rollot : celle de l’existence même d’heures d’enseignement assurées par de jeunes vacataires,  qui deviennent un jour… moins jeunes. Certes, les syndicats diront qu’il manque des postes de titulaires et que cela va s’aggraver avec la diminution annoncée du nombre de fonctionnaires : on ne peut les contredire. Mais il ne faut pas oublier la raison principale de l’existence et de la progression du nombre d’heures complémentaires, à savoir l’explosion incontrôlée de l’offre de formation, en particulier depuis la création des diplômes LMD (de plus en plus de diplômes, de mentions, de spécialités, de parcours, de plus en plus d’heures à assurer, de plus en plus de vacataires à recruter). Dans la situation d’une demande croissante d’heures de vacataires émanant de personnes subissant de plein fouet la crise, il faut oser dire aux universités de réguler réellement l’offre de formation, de réduire leur volume d’heures d’enseignement en resserrant leur offre. L’Université perdrait son âme à laisser s’installer chez elle des “soutiers” ; elle ne doit pas en fournir l’opportunité.  

    L’article de Catherine Rollot évoque enfin une autre situation encore peu connue : celle d’enseignants recrutés sur contrat à durée indéterminée (cas du professeur de FLE - français langue étrangère). Les universités ont tout à fait le droit de recruter ainsi ; ce droit est même institutionnalisé par la loi LRU dans le cadre des compétences élargies en ressources humaines. Recrutement si les universités en ont les moyens financiers. Le risque est important d’un creusement des inégalités entre les universités et entre les enseignants titulaires de la fonction publique et les enseignants sous contrat de droit public (les salaires de ces derniers dont pour l’instant “libres” - pas de convention collective).

    Le pire n’est cependant jamais certain. L’article de Catherine Rollot, en dépit de ses approximations et contrevérités, est donc salutaire ; il doit donner lieu à discussion dans les universités.  

     

     [1]. “Avant d’être payé, il faut parfois attendre un an” : autre contrevérité formulée par un des interviewés de Catherine Rollot. Cela peut effectivement arriver (un délai plus long est même possible !) si une ou plusieurs pièces manquent au dossier que chaque vacataire doit constituer ! Si le dossier est complet et remis dans les délais demandés, le paiement est bien plus rapide. Les universités se sont organisées pour payer les “heures complémentaires” deux fois par an, après chacun des semestres.

    [2]. Cette affirmation est une contrevérité, sauf si on entend par “quelques” une vingtaine d’heures (un TD de 2 heures sur 12 semaines) ; un tel TD apporte une rémunération de près de 1.000 euros.

    Source : http://blog.educpros.fr/blog/2009/10/07/des-soutiers-dans-l%e2%80%99universite/



  • Nicolas Sarkozy dévoilera mardi matin à l'Elysée la nouvelle mouture du projet gouvernemental de réforme des lycées, dont la première version controversée avait été suspendue il y a près d'un an après plusieurs semaines de contestation, a annoncé vendredi l'Elysée. Le chef de l'Etat en dévoilera le contenu à 11h00 en présence du ministre de l'Education Luc Chatel lors d'un discours prononcé devant un parterre de lycéens, recteurs, inspecteurs d'académies et chefs d'établissement, selon son agenda rendu public vendredi. En présentant la semaine dernière à Avignon une panoplie de mesures pour les jeunes, Nicolas Sarkozy avait répété son attachement à cette réforme, jugeant "absolument capital que nous ayons les meilleurs lycées d'Europe comme nous devons avoir les meilleures universités d'Europe". Lors d'une audition mardi devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Luc Chatel avait indiqué que le nouveau projet du gouvernement serait mis en place dès la rentrée de septembre 2010 et qu'il concernerait toutes les classes du lycée, "pas seulement la seconde". Le ministre avait également insisté sur la nécessité d'"adapter le lycée au monde d'aujourd'hui, sans casser ce qui marche". "Qui peut accepter que 50% des jeunes ratent leur première année à la fac ?", s'était-il interrogé, soulignant la responsabilité des lycées dans ces échecs. Le 15 décembre 2008, dans un contexte général de crise et de grogne croissante dans les lycées, M. Darcos avait décidé, en accord avec Nicolas Sarkozy, de reporter d'un an la réforme du lycée, dont la mise en place pour la seconde était prévue à la rentrée 2009. Nicolas Sarkozy avait alors chargé le directeur de Sciences-Po Paris, Richard Descoings, d'engager une consultation, notamment avec lycéens et enseignants. Au terme d'un tour de France qui l'a mené dans 80 établissements, il a remis en juin au chef de l'Etat un rapport préconisant notamment d'améliorer l'orientation et de rééquilibrer les filières menant au bac. Source : http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_actualite_du_jour/depeches_de_l_educat/&key=20091009&key2=091009161257.ifpgiojt.xml

  • « Vouloir abolir la culture au nom de l'égalité est une erreur », estime Alain-Gérard Slama. « L'ascenseur social est bloqué parce que nous ne savons pas faire évoluer nos concours », lui répond Valérie Pécresse.

    Le Figaro Magazine - Vous avez signé sur un ton incisif une chronique au «Figaro Magazine»* dans laquelle vous déploriez la baisse du niveau culturel pour le recrutement dans l'administration et les grandes écoles. Qu'est-ce qui a déterminé votre colère ?

    Alain-Gérard Slama - Défendant la veuve et l'orphelin, je ne pouvais faire autrement que de me porter au secours de la culture générale, qui tend à être sacrifiée dans les réflexions conduisant à l'élaboration des programmes et des examens d'aujourd'hui. Cet affaiblissement est d'ailleurs un phénomène cyclique : sous la Révolution, on s'interrogeait déjà si l'on enseignerait ou non les langues mortes dans les grandes écoles ; les années 20 ont vu des débats homériques autour de l'abrogation ou non du latin. Pour en venir à notre époque, j'ai donc réagi dès décembre 2008 à la proposition d'André Santini de supprimer les épreuves de culture générale des concours B et C de la fonction publique. Elle a commencé ainsi, ma colère ! Considérer la culture générale comme un marqueur social et vouloir l'abolir au nom de l'égalité me paraît une erreur. Elle est au contraire l'outil de connaissance et de mémoire qui permet à l'individu de se repérer dans la société. Et, si vous la sacrifiez, ce ne seront pas nécessairement les catégories les plus privilégiées qui en souffriront.

    Valérie Pécresse - Contrairement à ce que vous avez ressenti, j'affirme que l'on peut défendre la culture générale et une con cep tion plus volontariste du principe d'égalité ! Comment sélectionne-t-on les élites aujourd'hui ? Comment fait-on progresser chaque Français tout au long de sa vie ? En France, l'ascenseur social est bloqué, justement parce que nous ne savons pas faire évoluer nos concours, notamment ceux des grandes écoles où s'opère une hypersélection par le biais d'une incroyable batterie d'épreuves. Je n'évoquerai pas l'agrégation, où la culture générale est reine, et c'est l'essence même du concours, mais les écoles de commerce ou d'ingénieurs. Aux jeunes qui ont passé avec succès l'écrit, il faut donner un coup de pouce à l'oral, en inventant une épreuve qui permette de mesurer non pas seulement le bachotage, les lectures et le bagage intellectuel, mais aussi la personnalité, la valeur, l'intensité du parcours. J'étais dernièrement à Meaux dans une classe préparatoire, avec des cours de soutien pour les jeunes défavorisés. Certains parents ont évoqué leur situation : «Nous parlions très mal le français, nous ne savions pas écrire, et voilà que l'on est venu chercher notre fils, et qu'il est en classe préparatoire d'école d'ingénieur. Cet enfant est un don de Dieu!» Eh bien, quitte à choquer, j'affirme que son parcours aura plus de valeur que celui d'un enfant de professeurs élevé dans les meilleurs lycées parisiens. Parti de la cité de la Pierre Collinet, avec des parents analphabètes, il a accompli un vrai chemin. La qualité de la personne étant essentielle, je reproche à nos grandes écoles de ne pas faire évoluer leurs concours en mettant en place une évaluation de ces parcours. Ce que d'autres pays ont accompli, nous ne savons pas encore le faire.

    Alain-Gérard Slama - Ayant moi-même préparé quelques générations d'étudiants de Sciences-Po au concours de l'ENA, je puis vous assurer que, compte tenu des questions pièges qui sont posées au candidat pour évaluer son parcours et son caractère, la prime revient le plus souvent au jeune homme de bonne famille qui sait répondre aux questions du jury avec l'insolence maîtrisée qui convient. Parce qu'il y entre une part très forte d'arbitraire, l'évaluation du caractère privilégie les privilégiés. Sur quels critères allez-vous vous fonder ?

    Valérie Pécresse - Parce que vous considérez qu'on ne saurait, dans un jury, avoir des critères d'appréciation qualitatifs ? Il y en a ! Prenons l'exemple de la fonction publique. Des greffiers, par exemple, occupent les fonctions de juge dans certains tribunaux. Pour avoir le salaire, le statut et la reconnaissance d'un véritable juge, ils doivent passer un concours. Et c'est là que l'on retombe sur la culture générale, car on leur fait passer des épreuves qui sont finalement le décalque de celles qu'ils ont ratées à 18 ans. Si certaines intelligences ne sont pas faites pour les dissertations et qu'elles se révèlent dans le cadre d'une vie professionnelle, sachons les reconnaître et favoriser la promotion interne ! Remettre des candidats de 40 ans dans les conditions d'échec de leurs 18 ans est une humiliation terrible.

    Alain-Gérard Slama - Sur ce point, je vous approuve des deux mains, mais je vous parle, moi, de concours ponctuels. Avec Sciences-Po, par exemple, on arrive à ne plus savoir sur quels critères on fait entrer...

    Valérie Pécresse - Excellent contre-exemple ! Sciences-Po, ce sont des partenariats avec des lycées pour attirer des jeunes qui ne peuvent pas passer la sélection classique. Si les grandes écoles se penchaient sur le problème de la reproduction sociale qui est la leur, sans doute auraient-elles un travail à faire sur les épreuves de sélection.

    Alain-Gérard Slama - Il se trouve que je suis président de la fondation de la rue d'Ulm. Normale sup s'emploie à se faire connaître des jeunes qui n'auraient pas l'idée de s'y présenter, et à les attirer par le biais de son associationTalens. « Tremplin », « Pourquoi pas moi ? », ou bien encore « les Cordées de la réussite », que vous financez généreusement, sont autant de structures d'ouverture. Mais encore faut-il que le travail en amont, la remise à niveau, la lutte contre la discrimination négative ne soient pas battus en brèche par une discrimination positive qui réparerait une injustice par la mise en place d'une autre injustice. Vous mettez en balance l'intérêt porté à la culture classique par rapport à l'intensité du parcours, alors que vous savez bien que l'idée du concours républicain est d'élever le plus grand nombre possible de jeunes à la plus grande ouverture et au plus haut niveau possible à l'examen.

    Valérie Pécresse - Oui, cela signifie être exigeant. Et je tiens à cette exigence !

    Alain-Gérard Slama - Je comprends que de grandes écoles s'ouvrent à des sportifs de haut niveau. Ainsi des Etats-Unis, où le père de Barack Obama est entré par ce biais à Harvard. Mais j'observe qu'un certain discours d'efficacité, une certaine idolâtrie de l'action - je ne vise ici personne en particulier - exige que la culture générale soit laissée sur la touche au motif qu'elle ne servirait pas à grand-chose. Vous avez parlé des parents qui voyaient leur enfant comme un cadeau du ciel. Il y a eu un changement extraordinaire par rapport, justement, à l'époque où sévissait Bourdieu. Jadis, les familles défavorisées empêchaient le gosse de grimper dans l'échelle sociale. Aujourd'hui, c'est l'inverse : on est heureux et fier qu'il s'identifie à un modèle d'excellence. C'est là que Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances, ne connaît rien au problème, lorsqu'il demande qu'on lui fournisse la liste des épreuves et des matières les plus discriminantes. Il y a quelques années, à la demande de Lionel Jospin, l'helléniste Jean-Pierre Vernant rédigeait un rapport où il apparaissait que les meilleurs élèves en langues anciennes étaient les élèves venus du Maghreb. Tout leur imaginaire était baigné dans un environnement occupé par les Carthaginois, les Numides, les Romains...

    Valérie Pécresse - L'université et la professionnalisation passent d'abord par l'acquis de fondamentaux. Aussi, loin de vouloir sacrifier la culture générale, je veux la remettre à l'honneur. Pour autant, je plaide pour des épreuves de personnalité dans les concours.

    Alain-Gérard Slama - Discriminantes ?

    Valérie Pécresse - Qualitatives. Si certains jeunes ont besoin d'une chance supplémentaire pour réussir, d'autres, qui sont nés dans des milieux favorisés, devront faire la preuve de leur ouverture au monde, avoir par exemple eu une expérience humanitaire ou sociale, pour voir comment cela se passe ailleurs. Les grandes écoles doivent enrichir leur concours, à l'instar des grandes universités de la planète qui font aujourd'hui un examen global des candidatures avec témoignages, lettres de motivation et détails des parcours.

    Alain-Gérard Slama - Avec cela, j'aurais été collé à tous mes concours...

    Valérie Pécresse - Mais non. Vous les auriez réussis. Et avec des notes encore meilleures !

    Source : http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/10/10/01006-20091010ARTFIG00034--la-culture-est-elle-une-cause-perdue-.php

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  • AFP - PARIS — Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, a déclaré mardi qu'il se tenait prêt à annoncer une réforme globale du lycée "courant octobre", lors d'une audition devant la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

    M. Chatel a souligné qu'il souhaitait présenter une "réforme globale du lycée", et "pas seulement de la classe de seconde", et que cette réforme serait mise en place à la rentrée 2010.

    Il a insisté sur la nécessité d'"adapter le lycée au monde d'aujourd'hui, sans casser ce qui marche".

    "Qui peut accepter que 50% des jeunes ratent leur première année à la fac ?" a-t-il demandé, soulignant la responsabilité des lycées dans ces échecs.

    Le ministre de l'Education a également déclaré que les salaires des enseignants en début de carrière ne devaient pas être revalorisés de moins de 100 euros par mois, dans le cadre de la réforme de la masterisation de leur formation.

    "Nous allons fournir un effort important - équivalant au versement d'un 13e mois - qui est la contre-partie de la masterisation", a-t-il insisté, déplorant qu'"un enseignant français en début de carrière (soit) moins rémunéré que dans d'autres pays développés".

    M. Chatel a également souhaité que soit mise en place "une vraie dynamique de ressources humaines dans cette maison" (l'Education nationale) et que les enseignants soient mieux accompagnés dans leurs formations.

    Evoquant la question de l'orientation des élèves, il a souligné qu'il fallait "permettre le droit à l'erreur" en multipliant les passerelles entre les différentes filières, notamment professionnelles et technologiques.

    Il faut "passer d'un système subi", parfois dès 14 ans, à un "système choisi", a-t-il insisté.

    S'agissant de la maternelle, M. Chatel a déclaré qu'il n'était "pas dénué de sens de vouloir rendre la scolarité obligatoire dès trois ans".

    Source : http://ucr.hautetfort.com/archive/2009/10/07/luc-chatel-pret-a-presenter-une-reforme-globale-du-lycee-cou.html

  • Si vous avez aimé les articles de Catherine Rollot, journaliste au Monde, sur le mouvement des universitaires au printemps 2009, vous allez adorer son retour à la plume en cette rentrée. Elle vient en effet de remettre l’ouvrage sur le métier en publiant dans son journal une « enquête » (sic) intitulée « les soutiers de l’université » (mardi 6 octobre 2009, p. 17). Le sujet ? Les « précaires » de l’enseignement supérieur, ces vacataires, attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER), CDD et autres « non titulaires » qui peuplent les universités françaises. Le sujet est d’importance et la situation de nombre de ces « précaires » particulièrement difficile

    C’est évidemment l’angle choisi par Catherine Rollot pour en traiter qui est intéressant. On passera, par lassitude, sur la méthode qui semble désormais faire florès dans la presse contemporaine et qui consiste, en guise d’enquête, à enchaîner quelques témoignages sans plus de mise en perspective que de vision d’ensemble du sujet. Notre vaillante enquêtrice relève donc les difficultés des précaires au fur et à mesure de ses « rencontres » : incertitude de leur devenir, salaire de misère après des années d’études et souvent un doctorat, mauvais traitement de la part de l’université… Mais elle suggère aussi quelques explications, et là, on retrouve bel et bien la Catherine Rollot qui défendait avec vigueur la politique du gouvernement et la loi LRU de Valérie Pécresse au printemps. Et comme à l’époque, Catherine Rollot prend bien soin de garder pour elle les éléments qui contrarient sa thèse : les « précaires » doivent leur difficile condition aux titulaires – nouvelle version de la lutte des classes donc.

    Qu’on en juge plutôt : les précaires assurent « les cours que les titulaires ne veulent pas faire », leur « dépendance (…) aux titulaires engendre une multitude d’abus. Mais l’omerta est totale », « ces petites mains de l’université (…) cohabitent dans l’ombre des maîtres de conférences et des professeurs d’université titulaires », « les syndicats traditionnels s’en sont longtemps désintéressés »… Heureusement, une lueur d’espoir semble poindre puisque « la loi sur l’autonomie des universités, votée en 2007, devrait permettre enfin de les comptabiliser ». Ils sont sauvés.

    Bref, s’il y a des « précaires » à l’université, c’est qu’il y a des titulaires – ceux-ci étant, mais cela va sans dire pour Catherine Rollot, non seulement des fonctionnaires à statut corporatistes et exploiteurs mais encore des empêcheurs d’autonomiser en rond.

    Cette éminente journaliste oublie, comme à son habitude donc, quelques éléments d’importance. D’abord que les universitaires, toutes catégories confondues, n’ont pas attendu son « enquête » pour prendre la mesure d’une situation indigne et tenter, avec les faibles moyens dont ils disposent d’améliorer autant que faire se peut la situation de leurs doctorants, ATER et autres vacataires – et non de les exploiter… Ensuite que si exploitation il y a, elle est le fait de l’université comme administration et comme « gestionnaire des ressources humaines » comme on le dit désormais, et que cela ne va pas s’améliorer avec l’autonomie, au contraire. Enfin, et plus simplement encore, que s’il y a tant de « précaires » à l’université, c’est bien qu’il y a du travail à y faire (ah, tiens !?) et que les titulaires en poste ne suffisent pas, et de loin. Le sous-financement chronique des universités françaises depuis des années (par rapport aux grandes écoles, aux lycées, aux organismes de recherche…) a conduit à une situation intenable dans laquelle, en effet, nombre de tâches d’enseignement mais pas seulement sont accomplies par des non-titulaires.

    On voudrait croire que l’absence de ces éléments dans « l’enquête » de la journaliste du Monde témoigne d’une certaine légèreté mais alors on peut se demander si c’est bien d’un journal de référence dont on parle. On sera malheureusement enclin, compte tenu des articles passés de Catherine Rollot, à y voir un choix politique. Mais alors pourquoi Catherine Rollot ne publie-t-elle pas un éditorial plutôt qu’une « enquête » ? Elle rejoindrait ainsi, en toute transparence, ses nombreux confrères (Christophe Barbier, Franz-Olivier Giesbert, Sylvie Pierre-Brossolette…) qui dénoncent les universitaires comme des fainéants, des incapables et des profiteurs du système qui n’ont rien compris à la réforme que leur impose le gouvernement.

    Source : http://blog.educpros.fr/blog/2009/10/06/l%E2%80%99horreur-universitaire-selon-catherine-rollot-journaliste-au-monde/





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