Une réforme pour "faire oublier Darcos" et, pourquoi pas, redorer le blason élyséen avec une série de décisions qui ne peut que satisfaire le plus grand nombre sans fâcher à première vue quiconque. "Exit la "semestrialisation" et l’organisation en modules, et l’on ne touche pas non plus au principe du baccalauréat." Fance Info
Des propositions qui "ne constituent en aucun cas une "réforme globale" du lycée mais visent plus modestement, selon l'Elysée, à "apporter des réponses rapides et concrètes aux problèmes concrets" soulevés lors de la concertation menée par le directeur de Sciences-Po Paris." AFP
Réforme des universités : une réelle accalmie ?...
Tandis que cette "réforme a minima" occupe largement les premières pages de journaux, on peut s'interroger sur le silence qui entoure la rentrée universitaire après le sévère conflit qui opposa Pécresse au monde étudiant jusqu'au seuil de l'été.
"Si l'université de la rentrée 2008 était une université qui changeait, l'université de cette rentrée 2009 est résolument une université qui avance" déclare la ministre lors de son discours du 17 septembre dernier et rajoute que "toutes les conditions sont réunies pour une rentrée sereine". L'Express
Dans un article du Point paru le 8 octobre, Jacques Marseille pose la question :
"Comment expliquer qu'un mouvement de grève d'une telle ampleur accouche d'un tel silence à l'égard de l'avenir d'une institution qui accueille 2,2 millions d'étudiants et prépare l'avenir du pays ?"et met ce silence sur le compte de "l'hypocrisie généralisée des « élites » politiques et syndicales".
L'auteur tente de démontrer une sorte de collusion entre pouvoir et monde universitaire, unis dans la défense d'un système qui court au suicide. Pour lui, le manque de sélection à l'entrée de l'université explique la désaffection des étudiants envers cette dernière et le succès croissant des filières privées.
Ce manque de sélection - qui entraîne une quantité importante d'effectifs éliminés dès le premier cycle - concoure, d'après le journaliste, à la création de nombreux postes d'enseignants -chercheurs devenus complices du système.
"Abaissement des universités sans équivalent dans les autres pays développés et enfermement des « chercheurs » dans des microdisciplines toujours plus nombreuses ont fini par rendre toute réforme impossible"Ainsi conclue J. Marseille qui s'inquiète du manque de projet derrière "une autonomie des universités" tant "vantée" mais également tant combattue par un monde universitaire désormais silencieux.
...Ou bien un calme apparent avant la reprise de la mobilisation ?
La même interrogation sur le silence des universités est posée par Alexandra Tauziac dans un article de Sud-Ouest daté du 12 octobre à l'occasion de la rentrée des étudiants de Bordeaux 3, l'une des universités les plus mobilisées contre la réforme Pécresse.
Étant donné que d'ici 2010, 51 universités seront autonomes, soit plus de 60% des facs françaises, il semble que la bataille soit perdue pour les opposants à cette loi
[...]
Le gouvernement a finit par gagner à l'usure et les étudiants ont paniqué en voyant approcher le fin de l'année sans avoir pu suivre de cours ni passer d'examens [...] faisant passer la mobilisation au second plan.
Résultat, au retour des vacances d'été, de nouvelles universités sont devenues autonomes et les personnels des facs, comme les étudiants, ne savent pas par quel bout reprendre la mobilisation.
[Mais] des réunions commencent à avoir lieu au sein du personnel, comme ce sera le cas demain à l'université de Bordeaux 3, pour déterminer comment la mobilisation doit reprendre.[...] Les IUT commencent à faire part de leur désaccord sur les mesures à venir concernant leur budget, mais pour l'heure, il semble que le mouvement soit retombé comme soufflet... Sud Ouest
Il semble donc que la contestation ne soit pas totalement réduite.
Le site Contrepoint décode d'ailleurs les propos de la ministre en soulignant un ensemble de points d'achoppement non résolus.
- Taux d'encadrement :
Selon la ministre, le taux d’encadrement des élèves du supérieur serait passé de 25 étudiants par enseignant en 2000, à 20 aujourd’hui.
Bertrand Monthubert, secrétaire national à l’enseignement supérieur du PS, a par la suite formellement démenti ces affirmations dans un communiqué : « L’encadrement des étudiants ne s’est pas amélioré. Il est resté stable à 20 étudiants par professeur, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est à 15 »
- Augmentation du budget :
La ministre a fait valoir une augmentation du budget de la recherche passé de 7.120 euros par étudiant et par an en 2006 à 9.132 euros en 2009. On reste tout de même loin des 14.000 euros dépensés pour chaque élève de classes préparatoires. Le SLR a par ailleurs fait remarqué que malgré cette augmentation, la France reste très en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE
- Niveau de vie des étudiants
L’UNEF a souligné l’augmentation du coût de la vie étudiante de 3,2% cette année, qui se fait particulièrement sentir dans les frais d’inscription, de transports et de santé. Toujours selon le syndicat étudiant, « l’augmentation des dépenses obligatoires étudiantes est de 41,5% depuis 2001, alors que dans le même temps les aides n’ont augmenté que de 13% »
Et même si de nombreux sites et blogs de résistance sont désormais mis en sommeil, certains poursuivent activement la lutte.
- Le site Sauvons l'Université reprend un dossier du Monde et rappelle les points clés de l'autonomie des universités et les questions en suspens.
- POOLP, le site des personnels obstinément opposé à la loi Pécresse, poursuit également son combat et mobilise aujourd'hui contre les sanctions d'exception dont font l'objet certains étudiants grévistes du printemps.
- Le site Grève Active de la Sorbonne est toujours en activité et demeure régulièrement nourri d'informations.
- L'UNEF continue de dénoncer un budget en trompe- l'oeil, la formation des enseignants ou la précarisation des étudiants et obtient la mise en place du 10ème mois de bourse.
- Le site de Sauvons la Recherche dénonce l'arnaque du budget 2010 ou une politique de "désUMRisation brutale" et organise ses prochaines universités d'automne.
- Et la presse se fait parfois l'écho d'une réalité peu glorieuse, comme dans l'article sur les "soutiers de l'Université" paru récemment dans le Monde.
Toutefois, l'ensemble de ces manifestations de résistance semble bien sporadique, voire confus.
Pour la plupart, les blogs et sites dédiés à la contestation sont aujourd'hui largement alimentés par des sujets plus périphériques tels que la réforme des lycées ou bien les propositions du gouvernement en faveur des jeunes quand ce n'est pas un appel au soutien de sans-papiers ou à la votation citoyenne pour la Poste.
On pourrait donc penser à leur lecture - et face au grand silence général - qu'il ne s'agit plus que d'un combat d'arrière garde mené par une poignée d'irréductibles.
La loi Pécresse serait-elle donc finalement entrée dans les mœurs et acceptée par la majorité du monde universitaire ?
La réforme de l'enseignement supérieur serait-elle à l'usage un véritable succès justifiant pleinement l'enthousiasme du recteur de l'académie de Clermont ?
"Une rentrée exceptionnelle". C'est ainsi que le recteur de l'académie de Clermont, Gérard Besson, définit la rentrée universitaire à venir.
Les mouvements des étudiants et des enseignants contre les réformes voulues par Valérie Pécresse l'an passé ne semblent pas avoir pénalisé les universités.
Après l'Université d'Auvergne, qui a accédé à l'autonomie en début d'année, l'Université Blaise Pascal sera à son tour autonome à compter du 1er janvier.
Plus d'étudiants et plus de moyens, les indices sont donc au beau fixe pour l'enseignement supérieur clermontois. Radioscdoop
Ou bien sommes-nous dans un faux-calme contraint et à la veille d'une reprise des hostilités ?
Source : http://www.hyposblog.info/2009/10/universites-la-rentree-est-sereine.html